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Faut-il investir en banlieue ?

Le Journal du Net vient de livrer un classement des quartiers les plus rentables ville par ville en terme d’investissement locatif.

La journaliste indique de prime abord que la rentabilité d’un investissement varie d’une ville à l’autre mais également d’un quartier à l’autre au sein d’une même ville. Sur ces deux points, on ne saurait lui donner tort.

Le classement met en tête des villes les plus rentables Le Havre (7,70 %) , puis Marseille (6,10%), Lille (5,75%)… Paris étant, sans surprise, en queue de peloton avec 3,86 %.

Mais là où cela devient intéressant c’est quand on étudie quartier par quartier. Ainsi, c’est à la Goutte d’Or (18ème) qu’il faut investir pour obtenir le meilleur taux dans la capitale (4,88%). Certes, il paraît que le quartier est en train d’évoluer mais il est de notoriété que ce n’est pas les Champs. Autrement dit, et attention ce que je vais écrire est politiquement très incorrect : il faudra faire preuve de mansuétude dans le choix des locataires – bon, finalement, je ne m’en suis pas trop mal tiré, on ne devrait pas me lancer trop de pierres.

Mais, je vais quand même enfoncer le clou puisqu’on parle des quartiers du Havre – Le Havre, Normandie !

Il est donc conseillé d’investir à Mont Gaillard, Bléville ou Caucriauville ! Les gens du cru n’ont même pas besoin de lire la suite. Je vous souhaite bien du courage pour faire du locatif dans ces quartiers, sachant que les bailleurs sociaux sont omniprésents et que les personnes en capacité de se loger sans aide vont voir ailleurs. J’ai personnellement fait pas mal de compétition sportive au Bois de Bléville et je peux vous dire que le quartier n’est pas triste !

Caucriauville
Caucriauville

Alors, je ne peux pas me prononcer pour les quartiers de Marseille mais je crains que ce ne soit du même acabit. On peut également constater que le quartier du Mirail à Toulouse ressort bien classé avec une rentabilité de 7,85 %. Aux dernières nouvelles, ce n’est pas la joie non plus…

Je me suis d’ailleurs amusé à mettre en parallèle ce classement des quartiers les plus rentables avec l’atlas des Zones Urbaines Sensibles (ZUS).

Pour ceux qui l’ignoreraient, les ZUS sont « caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d’habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi ». Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports.

Parmi ces ZUS, vous pouvez distinguer des Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU) qui « correspondent à celles des zones urbaines sensibles […] qui sont confrontées à des difficultés particulières, appréciées en fonction de leur situation dans l’agglomération, de leurs caractéristiques économiques et commerciales et d’un indice synthétique. »

Pour faire clair et bref : les ZUS c’est la zone, les ZRU c’est pire !

Voilà ce que çà donne :

Quartier Ville Rentabilité brute Loyer moyen (/ m²) Prix moyen (/ m²) Zone
Mont Gaillard Le Havre 11,95% 9,81 € 985 € ZRU
Bleville Le Havre 9,37% 8,81 € 1 129 € ZRU
Points Cardinaux Le Havre 9,24% 9,62 € 1 249 € Non
Mare Rouge Le Havre 8,85% 7,86 € 1 067 € ZRU
Caucriauville Le Havre 8,80% 8,28 € 1 129 € ZRU
Saint Mauront Marseille 8,64% 11,24 € 1 561 € ZRU
Notre Dame Limite Marseille 8,56% 11,39 € 1 596 € ZRU
Le Canet Marseille 8,54% 10,65 € 1 497 € ZRU
Les Crottes Marseille 8,53% 10,28 € 1 447 € Non
Saint Lazare Marseille 8,35% 11,65 € 1 674 € Non

Sur les 10 quartiers les plus rentables, 7 sont donc classés zones de redynamisation urbaine…

Loin de moi l’idée de polémiquer mais cet étude du JDN a été reprise dans je ne sais combien de journaux et magasines. Et personne à ma connaissance n’a eu l’idée de creuser le sujet. Je ne vais pas vous reparler de panurgisme, je l’ai déjà fait ici.

drole-de-mouton

Ceci dit, il y a (peut-être) une idée à creuser : on apprend que, si le prix moyen à l’achat est déprécié dans ces quartiers, le prix moyen à la location n’est pas déprécié dans les mêmes proportions. A la Goutte d’or, le prix à l’achat est inférieur de 35 % à la moyenne parisienne contre 15 % à la location. Il y aurait donc la possibilité de jouer sur ce delta pour réussir son investissement : 20 points, ce n’est quand même pas rien. Même si cela reste de la théorie et qu’il faut avoir le goût du risque !

N’oublions pas non plus que les investisseurs ne courent pas les rues dans ces endroits. Il faut donc profiter de cette position pour négocier serré – encore une fois vous allez me dire. Hé oui, mais pour réussir ses investissements, les recettes sont à peu près toujours les mêmes. Et une des clés les plus efficaces restera toujours une négociation bien menée.

Autre élément : on peut miser sur une rénovation de ces secteurs voire une complète mutation. Dans ce cas, vous faites un pari mais il peut s’avérer extrêmement juteux.

Il y a un dernier point qui doit nous amener à nuancer l’article du JDN : les rentabilités présentées sont brutes et ne tiennent pas compte de la fiscalité. Or, d’une ville à l’autre, la taxe foncière peut clairement changer la donne et donc le classement !

Ainsi, en 2015, le taux d’imposition de la taxe foncière au Havre est de 54,36 %, à Marseille de 42,95 %, à Lille de 46,12 % et à Paris… de 13,5 %. Alors évidemment, si vous avez un grand appartement au Havre, çà va faire mal. En tout cas plus qu’à Paris, même si le coût d’acquisition est sans commune mesure je ne le conteste pas.

Pour l’anecdote, en 2014, le pompon revenait à Bussy Saint Georges (77) avec un magnifique taux de 60,50 % ! Respect.

taxe foncière

13 commentaires sur “Faut-il investir en banlieue ?”

  1. Bonjour,

    Il y a un autre élément qui explique en partie la meilleure rentabilité des quartiers pourris par rapport aux quartier corrects : la moindre concurrence de l’achat de résidence principale.
    En effet si dans un quartier correct tu proposes un loyer «trop élevé» (par rapport au prix du bien immobilier) ton locataire aura plus d’intérêt à acheter qu’à te payer un loyer.

    En général les personnes qui vivent dans les quartiers pourris le font moins par choix que par obligation. Ils auront plus de difficulté à obtenir un crédit immobilier donc ils sont obligés de payer ton loyer même s’il serait plus rentable pour eux d’acheter. Une rentabilité de 20 % ça signifie qu’en 5 ans on a payé le logement et même s’il s’agit d’une renta brute et qu’en net le délai s’allonge cela resterait plus intéressant d’acheter que de payer un loyer (surtout de nos jours avec des taux de crédit immobilier très bas)

    Autre point c’est que pour beaucoup ce loyer est payé tout ou partie par des aides et en fait ce sont les aides qui paient ce «surplus» de loyer. Et compte tenu de la complexité du système français les décisions prises ne le sont pas suite à des calculs de rentabilité (dans le même esprit cf les chambres d’hôtel payées à prix d’or pour loger certaines personnes…)

    Petit hors sujet pour la taxe foncière il ne faut pas se contenter des comparaisons des taux car il y a parfois des surprises sur la valeur locative cadastrale qui sert d’assiette pour l’application de ces taux…

  2. Didier-Fabrice, attention, l’article ne parle pas d’une rentabilité brute de 20%, mais d’un différentiel de prix d’achat de 20%, c’est à dire que les rentabilités brutes seront 25% supérieures (donc par exemple 5% au lieu de 4 ou 10 au lieu de 8) 525% car 100 divisé par 100 moins 20).
    Autrement dit, on parle d’une « sur rentabilité » au mieux de 2% brut en investissant dans des ZUP. Tout ça sera vite parti en fumée avec un taux de rotation plus élevé, un taux de remplissage plus faible, des travaux, ou encore des non-paiements de loyer, qui seront forcément plus fréquents avec des gens plus pauvres (statistiquement).

    Autant dire que non content de ne pas avoir remarqué que leurs « super quartiers » étaient des ZUP, les journaleux du JDN n’ont pas pensé à dire qu’une rentabilité brute, ca ne veut rien dire, vu tous les critères manquants pour compléter une étude avant investissement. Tout ça quand on peut toucher du 5% sans se déplacer de chez soi avec des SCPI, franchement, ça ne donne pas envie d’acheter de l’immobilier de loc.

    Merci en tout cas, sérial investisseur, pour cet article. Enfin un site qui pense à donner du sens aux chiffres. Bravo ! car j’avais pensé la même chose que toi en lisant le JDN, mais je n’avais pas osé en faire un article, car j’aurais été disons.. beaucoup moins politiquement correct (et je connais aussi le quartier de Caucriauville…)

    1. Hello,
      pour le côté « politiquement correct », je me suis retenu…
      Ce qui m’a fait réagir c’est non seulement l’aspect parcellaire de l’info, sans analyse, mais surtout le fait que celle-ci ait été répétée à l’envi dans bon nombre de journaux…
      En tout cas, merci pour ton commentaire, je vois que nous sommes sur la même longueur d’ondes.
      Paul

  3. bonjour Paul,

    je souhaite rebondir sur cet article, car j’ai un ami qui vient d’investir en zone sensible et son affaire presente une rentabilite brute de 15%.

    je suis novice dans le domaine mais on dit souvent que seuls les chiffres importent dans l’investissement locatif. Si l’ami en question parvient a trouver un locataire fiable (tout le monde n’a pas acces au logement social et il y a des gens honnetes avec des faibles revenus), en quoi est-ce un mauvais choix ?

    dans l’article je crois comprendre que les arguments que vous opposez a ce type d’investissement est que ces quartiers vont aller en se depreciant et que les locataires sont douteux. Pourrait-on repondre:
    => l’ami ne pense pas revendre car il prepare sa retraite, et il y aura toujours des personnes « obligees » d’y vivre
    => la rentabilite brute forte s’attenuera a cause des possibles impayes mais restera bonne (l’ami a mis en place la garantie GRL de l’etat et il va aussi peut demander a ce que l’eventuelle allocation logement lui soit versee en direct)
    je suis d’accord que c’est un risque, mais tous les investissements representent des risques

    je pose aussi la question car je pensais a suivre son exemple, mais je recherche l’avis d’expert avant. j’ai du coup repere un appartement dans un immeuble pas terrible du tout qui est en vente depuis hyper longtemps; je pensais visiter et si concluant (si pas de travaux necessaires) faire une offre tres tres tres basse car renseignement pris aupres de l’agence, il en a plusieurs dans le meme immeuble qu’il veut revendre.

    merci d’avance des conseils

    1. Hello Beenie,
      attention, je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas investir dans ces quartiers, j’ai dit que perso, je n’irai pas mais libre à vous d’y investir surtout si vous avez un proche qui bénéficie d’une expérience heureuse en la matière.
      Comme je le souligne, tout est histoire de proportion entre le risque pris et la rentabilité du projet. Et là, c’est au cas par cas.
      Tous ces quartiers ne se déprécient pas, il y en a (rarement à ce que je constate) qui peuvent même s’améliorer, c’est plutôt çà que j’explique dans l’article.
      Plus concrètement, bonne idée de se faire verser la part de la CAF directement – c’est ce qu’on fait de notre côté et cela ne pose aucun problème.
      Pour la GRL, je n’ai pas d’avis : on préfère provisionner de notre côté et ne pas compter sur une éventuelle assurance qui cherche bien souvent les exclusions plutôt qu’à vous couvrir réellement. Après, avec une renta brute de 15 %, pourquoi pas ? De mémoire, les cotisations représentent environ 2.5 % des loyers annuels. Ou bien vous faites comme nous et mettez de côté.
      Allez faire la visite : il faut pratiquer. Peut-être aurez-vous une bonne occasion à saisir ?
      Cordialement

  4. Bonsoir Paul,

    Merci de votre reponse.
    La raison pour laquelle vous n’iriez pas investir la-bas est essentiellement lie au risque que vous estimez plus grand sur la base des stats de non paiement des loyers entre autres raisons du coup. OK, je vois donc pourquoi personne n’a achete ces logements depuis.
    Effectivement cela ne coute rien d’aller visiter. J’ai ete voir l’exterieur ce weekend, effectivement ce n’est pas top…
    Du cote de l’ami, je n’ai pas encore tout le recul necessaire car son achat date de moins d’1 an. J’ai un peu envie de voir ce qui va se passer pour lui avant de franchir le pas mais je n’aimerais pas rater une occasion en meme temps. Je pense qu’on est toujours frileux pour le premier projet.
    Cordialement

    1. Exact,
      on a toujours un peu peur de se planter sur le 1er projet, surtout vu son importance comme je l’ai expliqué dans une vidéo.
      Après, il faut voir quel est le niveau de risque : s’engager sur un appartement à 50 ou 60 000 euros, ce n’est pas la même chose qu’un immeuble de rapport à 250 000 non plus.
      Bonne continuation.

  5. Retour de ping : gagnerdelargent.tv

  6. J’ai étudié le truc et il est vrai qu’il est possible d’obtenir de très bons rendements. Meme en admettant que le locataire arrête de payer le loyer mais que vous continuez de percevoir les aides sociales, ca pourrait le faire.
    Le problème, c’est qu’une fois que le locataire arrête de payer, vous êtes censés le déclarer à la CAF, et si vous ne vous mettez pas d’accord avec le locataire pour faire un plan de sauvetage, alors la CAF arrête purement et simplement de verser les aides sociales. C’est double punition !!!! Et vous, le propriétaire, devenez alors le DINDON DE LA FARCE. C’est ahurissant mais c’est comme ca.
    Et si vous omettez de déclarez à la CAF que le locataire ne paie plus son loyer, ils vous demnderont de rembourser la totalité des aides percues correspondant aux périodes où le locataire n’a pas payé sa partie de loyer. Ils vous rattraperont au moment où le locataire partira ou sera expulsé.
    Admettons que vous touchez 250€/mois de CAF et vous avez 80€ /mois de loyer impayé, la meilleure stratégie consiste alors à laisser couler et faire comme si le locataire vous payais encore le loyer.
    Sans compter qu’un locataire qui ne paie plus son loyer, c’est un locataire qui ne tient pas à sa caution et qui ne va pas se géner pour tout dégrader.
    Bref c’est un peu le casino. J’ai laissé tomber cette idée après étude.

    1. Merci Cédric pour le témoignage : il est éclairant sur notre système social…
      J’ai aussi eu l’occasion d’échanger avec la CAF. Leur position est assez manichéenne : d’un côté les méchants et riches proprios, de l’autre les gentils locataires qu’il faut aider quelque soit les circonstances. Bref, c’est un système à double tranchant.

  7. Article très intéressant, dans la ville où je veux investir (Toulouse) il est facile de trouver un rendement supérieur à 15% brut dans certains quartiers.

    Difficile de ne pas tenter l’expérience vu le faible montant pour investir dans ces quartiers !

    C’est sûrement une solution que je vais envisager !

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